Rémy Cabrillac Interview INFINIMENT OBJET

Rémy Cabrillac, Professeur de droit et science politique Faculté de Montpellier, auteur de l’ouvrage « Le droit saisi par l’art »

INFINIMENT OBJET est enchanté de recevoir Rémy Cabrillac, Professeur à la faculté de droit et de science politique à l’Université de Montpellier, pour nous parler de son dernier ouvrage « Le Droit saisi par l’art » publié par Lefèbvre Dalloz (novembre 2023).

Biographie

Rémy Cabrillac, né le 3 décembre 1962 à Montpellier, est agrégé des Facultés de droit et professeur à la faculté de droit et de science politique de Montpellier depuis 1991. Spécialisé dans différents domaines du droit (droit civil, droit comparé, théorie du droit, droit et littérature), il est l’auteur de nombreux ouvrages, entre autres, Introduction générale au droit (Dalloz), Droit des obligations (Dalloz) ou Les régimes matrimoniaux (Lextenso). Son ouvrage Les codifications (PUF, 2002) a été traduit en plusieurs langues. Il a publié environ 300 articles dans des revues françaises et étrangères et intervient fréquemment dans des colloques nationaux et internationaux. Il exerce également différentes responsabilités (il préside notamment le jury d’agrégation de droit privé et sciences criminelles 2023-2024) et est appelé régulièrement pour des expertises en matière de codification, en France ou dans le monde

Interview - Portrait

Rémy Cabrillac, Professeur de droit et de science politique et amateur d’art, nous propose une approche inédite de l’art en se questionnant sur « l’influence de sa formation juridique sur ses émotions artistiques ». Pour répondre plus généralement à cette question, il a invité 32 juristes à exprimer leurs émotions face à une œuvre de leur choix. Sous sa direction, tous ont livré leurs réflexions sous des approches diverses. Reproduites dans ce beau livre, « Le droit saisi par l’art », elles nous font découvrir des œuvres emblématiques sous un regard nouveau.

Infiniment Objet : Comment vous est venue cette idée originale de faire un lien entre votre formation juridique et le regard que vous portez sur l’art ?

Rémy Cabrillac : L’idée m’est venue en visitant l’exposition consacrée à la collection Morozov. Le tableau La ronde des prisonniers de Van Gogh, exposé seul dans une petite salle à part m’a bouleversé. Des souvenirs de mes cours de droit pénal ou de procédure pénale quand j’étais étudiant, des lectures, comme celle de Robert Badinter sont remontés à mon esprit. Je me suis alors demandé si cette émotion artistique n’avait pas été suscitée, amplifiée par ma formation de juriste, mon métier de juriste.

Infiniment Objet : Vous avez réussi à réunir le témoignage de 32 juristes pour qu’ils vous livrent leurs réflexions sur une œuvre d’art de leur choix sous le prisme juridique. Quels sont les exemples de thèmes qu’ils ont abordés et le domaine des œuvres choisies ?

Rémy Cabrillac : Les auteurs sollicités ont parfaitement joué le jeu, faisant part de leurs réflexions ou de leurs émotions personnelles face à l’œuvre choisie. C’est ce qui a permis à l’ouvrage d’aborder des problématiques très diverses de la liberté d’expression de l’artiste à la restitution des œuvres d’art spoliées en passant par la définition même d’œuvre d’art, ou beaucoup d’autres encore.

Infiniment Objet : Vous êtes vous-même amateur et collectionneur d’art. Pourquoi pensez-vous que votre sensibilité à l’art vous apporte des éléments différentiants dans l’exercice de votre métier de juriste ?

Rémy Cabrillac :`Je crois que l’art, dans toutes ses formes, est une fascinante clef de compréhension du monde. Aussi, le juriste ne peut rester enfermé dans la froide et désincarnée technique des règles. Le droit repose sur l’humain et la contemplation d’une œuvre d’art comme la lecture d’un roman peut permettre une indispensable humanisation de la compréhension ou de l’application du droit.

Infiniment Objet  : A travers cet ouvrage votre intention serait-elle de créer des ponts entre l’art et d’autres disciplines ?

Rémy Cabrillac : Tout à fait, je crois ces ponts indispensables et pourtant malheureusement peu fréquents, en France du moins. J’enseigne à mes étudiants de Master 2 à la Faculté de Montpellier un cours de droit et littérature, ce type de cours est présent dans moins de dix pour cent des facultés de droit dans notre pays, ce qui est dommage. Comme je peux le dire à mes étudiants, « Lisez Dostoïevski, Balzac ou Kafka, vous serez de meilleurs juristes ». Pourquoi pas prolonger cette expérience par un cours à partir d’œuvres d’art représentant le droit, à travers le juge ou le procès par exemple ?

Infiniment Objet : Je vous remercie pour le temps que vous nous avez accordé et pour la qualité de notre échange. Si vous vouliez conclure par une phrase qui résumerait votre vision de l’art et du droit, et du droit et de l’art, que diriez vous ?

Rémy Cabrillac : Dans le prolongement de ma précédente réponse, on peut dire aux jeunes juristes « Regardez une œuvre de Nicolas Poussin, de Velasquez ou de Picasso, vous serez de meilleurs et de plus heureux juristes » !

 

 

Remy Cabrillac Invité Infiniment Objet Le droit saisi par l'art
Le Droit saisi par l’Art – Rémy Cabrillac – Editions Lefebvre Dalloz – 300 pages