Infiniment Objet : Vous possédez une galerie spécialisée dans la tapisserie d’art du XXème siècle depuis 2012. D’où vous vient cette passion pour cet art décoratif et pourquoi avoir choisi l’époque du XXème siècle ? Quelles sont les spécificités de votre collection ?
Sébastien Meunier : En devenant antiquaire après l’obtention de mon diplôme de commissaire-priseur, je me suis tout de suite orienté vers la tapisserie moderne (qui se rapprochait aussi de la peinture, car souvent les protagonistes sont les mêmes), qui me semblait avoir plusieurs avantages : des artistes intéressants, des prix modestes, l’absence de faux, la rareté,… Après m’en sont apparus d’autres : les matériaux naturels, l’isolation thermique, phonique, les vertus décoratives, l’absence de fragilité, la maîtrise d’un savoir-faire (la tapisserie d’Aubusson est classée à l’UNESCO depuis 2009)… La spécificité de ma collection est d’offrir le choix le plus large possible de tapisseries du XXème. Toutes les pièces présentées sont tissées à la main, la plupart à Aubusson, en très petites séries (quelques exemplaires au plus, de nombreuses pièces sont uniques).
Infiniment Objet : Quelles sont selon vous les caractéristiques et les tendances du marché de cet art décoratif ? Aujourd’hui, est-ce que la tapisserie moderne intéresse plutôt des collectionneurs ou au contraire des amateurs aux profils plus larges comme les décorateurs et pourquoi ?
Sébastien Meunier : C’est un marché confidentiel : seules quelques centaines de tapisseries modernes (au sens technique du terme) sont vendues dans le Monde par an ; c’est plus comme décor que comme objet de collection (on a une tapisserie chez soi, rarement plus) que les tapisseries modernes sont prisées, mais, paradoxalement, plus par des amateurs qui doivent aller contre les prescriptions des décorateurs. Quant à l’évolution du marché, les prix des tapisseries d’artistes (Calder notamment) ont récemment explosé, les tapisseries de peintres-cartonniers (Lurçat, Picart le Doux…) restent encore très abordables : quelques milliers d’euros (un contre-exemple patent de l’adage « ce qui est rare est cher »). Les tapisseries sont rares et difficiles à copier (n’oublions pas qu’une tapisserie tissée main, ce sont des mois de tissage pour un licier), ce qui constitue un avantage appréciable pour les amateurs.
IO : Quels sont, selon vous, les artistes qui restent emblématiques de la tapisserie d’art comme Jean Lurçat et d’autres qui vous intéressent plus particulièrement et pourquoi ? Seront-ils présentés lors de votre prochaine exposition ?
Sébastien Meunier : Jean Lurçat est effectivement incontournable, il reste un phare (que ceux qui n’apprécient pas « le chant du Monde » exposé à Angers s’y rendent sans tarder pour s’en persuader), et ses œuvres sont nombreuses sur le marché. Il est principalement à l’origine du renouveau de la tapisserie pendant la Seconde Guerre Mondiale et après-guerre, avec Marcel Gromaire. D’autres, plus confidentiels, sont tout à fait intéressants, qu’ils soient figuratifs ou abstraits : Marc Saint-Saëns, Maurice André, Sautour-Gaillard,… De façon curieuse, on connaît mieux l’œuvre non tissée de Matégot ou de Prassinos, alors que la tapisserie a été au centre de leur activité créatrice.
Concernant ma prochaine exposition, le sujet en est thématique : les oiseaux, et vous y trouverez effectivement Saint-Saëns ou Lurçat, mais aussi Perrot, Hilaire,… Elle sera visible à partir du 15 mars 2022 dans nos bureaux (8 rue Drouot, 75009 Paris).